Au cours de l’année écoulée, trois Russes vivant en exil auraient été empoisonnées par des agents toxiques, l’une à Munich, l’autre à Prague, la dernière à Tbilissi, en Géorgie. C’est la conclusion à laquelle sont parvenus, mardi 15 août, les enquêteurs de The Insider, publication russe elle aussi en exil, réputée pour son sérieux, et qui a notamment coopéré avec le site britannique Bellingcat sur des dizaines d’autres affaires d’empoisonnement, notamment celui de l’opposant Alexeï Navalny, le 20 août 2020.
Contrairement à ce dernier dossier, ni les coupables ni le poison utilisé n’ont pu être identifiés formellement s’agissant des trois Russes en exil. Mais The Insider estime nécessaire la divulgation de ces informations « pour mettre en garde les activistes et les journalistes qui ont quitté la Russie ». Ces empoisonnements présumés montreraient ainsi que des « ennemis de la Russie » continuent d’être ciblés, notamment sur le sol européen, depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022.
Menaces précises
A la différence des deux autres femmes, le cas d’Elena Kostioutchenko n’avait jamais été évoqué publiquement. La journaliste de 36 ans, l’une des grandes plumes de Novaïa Gazeta, fut la dernière reporter russe à continuer à travailler en Ukraine après l’invasion de ce pays. Avant que son journal ne soit contraint de censurer ses articles, puis de fermer, elle a pu évoquer, dès le mois de mars 2022, les crimes commis par l’armée russe dans la région occupée de Kherson. Des menaces précises l’avaient ensuite poussée à quitter l’Ukraine et à s’installer en Allemagne.
C’est à Munich, où elle s’était rendue pour solliciter un nouveau visa ukrainien, que la jeune femme a probablement été empoisonnée, le 17 octobre 2022. Après l’absorption d’un repas au goût suspect, Elena Kostioutchenko a commencé à sentir de premiers symptômes : odeur étrange émanant de son corps (« celle d’un fruit pourri »), transpiration abondante, absence de force, incapacité à réfléchir. Dans les jours et les semaines suivantes, d’autres symptômes viennent s’ajouter : douleurs aiguës au ventre, insomnie, gonflement des mains et du visage, décoloration de la peau…
La journaliste a attendu dix jours pour effectuer des examens – « Je ne suis pas assez dangereuse pour être une cible », pensait-elle. Leurs résultats ont seulement permis d’écarter une à une les différentes maladies ou intoxications testées. La demi-douzaine de médecins et spécialistes consultés plus tard par The Insider penche unanimement pour un empoisonnement, les dérèglements les plus sérieux montrés par ces examens se concentrant dans le foie et les reins.
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