La soirée était déjà lourde sous le ciel nuageux de Budapest, vendredi 25 août. Yulimar Rojas et Haruka Hitaguchi l’ont rendu étouffante. Les deux femmes ont remporté leur concours – de triple saut pour la première et de javelot pour la seconde – à leur sixième et dernier essai. Un final à couper les souffle, où les meilleures performeuses mondiales de l’année ont remis les pendules à l’heure, à un an des Jeux olympiques de Paris.
C’est ce qui s’appelle « avoir du métier ». Yulimar Rojas, a beau être triple championne du monde de triple saut et être invaincue en grand championnat depuis 2017, la longiligne vénézuélienne a longtemps été à la peine. Non pas tant contre ses adversaires, aisément surclassées malgré un bon saut à 15 m enregistré par l’Ukrainienne Maryna Bekh-Romanchuk, mais contre elle-même. Planche mordue, course avortée, appuis vacillants, la jeune femme de 27 ans a longtemps semblé déboussolée, le regard interrogateur tourné vers son coach, en tribune.
Habituée des concours expédiés d’entrée, la championne olympique en titre a cette fois fait durer le suspense. Entrée de justesse dans le top 8 avec un bon à 14,26 m, nécessaire pour obtenir trois sauts supplémentaires, Yulimar Rojas a mordu ses deux sauts suivants. Dos au mur pour son sixième et dernier essai, elle a alors bondi à 15,08 m pour régler le concours et s’emparer de la première place. La voici désormais quadruple championne du monde (2017, 2019, 2022 et 2023), devant Maryna Bekh-Romanchuk, première médaillée ukrainienne de ces championnats, et devant la Cubaine Leyanis Perez Hernandez (14,96 m).
Le scénario s’est répété à quelques mètres de là, sur l’aire du lancer de javelot. La Japonaise Haruka Hitaguchi, meilleure performeuse mondiale de la saison (67,04 m) a longtemps eu un trou d’air, bataillant avec son engin, avant de le planter à 66,73 m sur son dernier essai. Ce sursaut d’orgueil lui offre un premier titre mondial, un an après sa médaille de bronze à Eugene (États-Unis). Elle devance la Colombienne Flor Denis Ruiz Hurtado (65,47 m, record national) et l’Australienne Mackenzie Little (63,38 m).
Jackson affole le chronomètre
Sur le 200 mètres en revanche, le suspense n’aura pas duré longtemps. A Budapest, la Jamaïcaine Shericka Jackson a conservé l’or mondial à l’issue d’une course maîtrisée de bout en bout. Déjà médaillée d’argent sur la ligne droite dans ces championnats du monde, l’ancienne coureuse de 400 mètres a rapidement effacé toute concurrence, pour concentrer son attention sur le chronomètre. Dans son viseur : le record du monde de l’Américaine Florence Griffith-Joyner (21 secondes 34), vieux de 35 ans.
La Jamaïcaine a frôlé l’exploit, affichant un chrono de 21 secondes 41 vendredi soir, à sept centièmes de « Flo Jo ». Une issue victorieuse qui la laissait néanmoins boudeuse, l’œil fixé sur l’écran géant affichant son chrono. Elle devance les Américaines Gabby Thomas (21 s 81) et Sha’Carri Richardson (21 s 92), déjà sacrée sur 100 mètres à Budapest.
Les relayeurs Français qualifiés pour la finale du 4 x 100 m
Il s’en est fallu de peu, mais les Français se sont invités à la grand-messe du sprint mondial. Les quatre relayeurs tricolores (Méba-Mickaël Zézé, Pablo Mateo, Ryan Zézé et Mouhamadou Fall) se sont qualifiés au temps (37 s 98) pour la finale du 4 x 100 m, après avoir terminé quatrièmes d’une demi-finale relevée, où figuraient la Jamaïque et les Etats-Unis. Un chrono qui leur permet de signer le 6e meilleur temps global et de valider leur qualification. « En finale, on va prendre beaucoup plus de risque, on n’a rien à perdre ou du reste beaucoup à gagner. On va se faire plaisir et essayer de ramener quelque chose à l’équipe de France », confiait Mouhamadou Fall au micro de France Télévisions.
Chez les femmes en revanche, c’est une fin de parcours. Les Bleues ont terminé septièmes et dernières de leur série, malgré un chrono de 43 s 12. Insuffisant pour se hisser en finale, où les Jamaïcaines feront figure de favorites (41 s 70).
Ça ne passe pas non plus pour Rénelle Lamote sur 800 m. Seule Française engagée en demi-finale, la Montpelliéraine s’est fait enfermer dans une course tactique, partie sur des bases très lentes, et a ensuite accusé la pointe de vitesse de ses concurrentes dans la dernière ligne droite. A l’arrivée, la triple médaillée d’argent aux Championnats d’Europe a terminé seulement sixième de sa demi-finale (2 min 1 s 25), remportée par la Britannique Jemma Reekie devant l’Américaine Raevyn Rogers.
Enfin, c’est une première historique, deux Françaises rejoindront la finale mondiale du saut en hauteur, dimanche 27 août. Solène Gicquel et Nawal Menicker ont effacé chacune une barre à 1,89 m, synonyme de top 12. Alors qu’aucune athlète n’a passé 1,94 m, synonyme de qualification directe, huit athlètes ont franchi 1,92 m dont l’Ukrainienne Yaroslava Mahuchikh, médaillée de bronze aux Jeux de Tokyo et l’Australienne Eleanor Patterson, championne du monde en titre.
La France est toujours en attente de médaille, tandis que le champion du monde en titre Kevin Mayer a abandonné plus tôt dans la journée son décathlon après deux épreuves, pour cause de douleur au tendon d’Achille gauche.