On attendait la première médaille française des championnats du monde 2023 lors du 110 m haies. Mais lundi 21 août, au stade Nemzeti Atletikai Kozpont de Budapest, Sasha Zhoya (13 s 26) et Wilhem Belocian (13 s 32) ont pris respectivement la sixième et la huitième place de la finale. Les deux hurdleurs tricolores n’ont rien pu faire devant leurs rivaux étatsuniens et jamaïcains.
Vainqueur en 12 s 96, l’Américain Grant Holloway est désormais triple champion du monde. Le Jamaïcain Hansle Parchment termine deuxièmen en 13 s 07 devant un autre Américain, David Roberts, troisième en 13 s 09. Sous les yeux de Guy Drut, champion olympique de la discipline en 1976, présent sur le plateau de France Télévisions à Budapest, Zhoya et Belocian sont un peu passés à côté de leur finale.
Pour la deuxième fois d’affilée, le troisième Tricolore, Just Kwaou-Mathey, a été, lui, éliminé en demi-finales, troisième de sa course en 13 s 31. Une première légère déception pour le hurdleur français, qui a éclos l’an dernier au plus haut niveau et qui avait battu son record personnel lors du meeting de Paris cette année, en 13 s 09.
En demi-finales, Sasha Zohya avait pourtant montré de belles choses. A Budapest, le double champion de France en titre a d’abord pris une deuxième place prometteuse derrière le favori, Grant Holloway, en améliorant même son record personnel en 13 s 15. Il n’a pas pu récidiver en finale.
Premières finales mondiales pour Zhoya et Belocian
Reste que le grand espoir de l’athlétisme français a quand même franchi un cap. En 2022, diminué par une douleur au tendon d’Achille, il avait été éliminé en demi-finales à Eugene. Cette saison, il a vu sa préparation retardée par une fracture de l’orteil en mai et s’est présenté à Budapest « pas à cent pour cent » à cause d’une nouvelle douleur au tendon d’Achille.
A 21 ans, Zhoya est le talent de l’athlétisme français. Au début de 2020, son choix de défendre les couleurs de l’équipe de France avait été très médiatisé. L’athlète avait différentes possibilités puisqu’il est né et a grandi en Australie d’une mère française, très présente à ses côtés, et d’un père zimbabwéen.
Le jeune homme aligne, depuis, toujours les titres : double champion d’Europe et champion du monde junior, champion d’Europe espoirs et également détenteur des records du monde cadet et junior de la spécialité.
En 2022, pour sa première saison sur les haies de 1,06 mètres, contre 99 centimètres jusqu’alors, il impressionne tout le monde par sa capacité d’adaptation. A Albi, en juillet 2023, Zhoya a conservé son titre national en courant en 13 s 01, un chrono non homologué à cause d’un vent trop favorable, devant Wilhem Belocian et Just Kwaou-Mathey. « La France, le 110 m haies, c’est son épreuve. On était quatre à avoir fait les minima. C’est très dense, c’était comme une demi-finale ou une finale mondiale », résumait-il.
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Le protégé de Ladji Doucouré, recordman de France en 12 s 97 et champion du monde 2005, assumait ses ambitions en amont de ces championnats du monde. « Il y a de la pression parce que les gens veulent que j’aille vite, mais c’est de la bonne pression », estimait-il. Avant d’ajouter : « Moi, je veux prendre le record de France, et un jour, le record du monde. Mais je suis encore jeune dans le game, je dois prendre de l’expérience. »
De son côté, Wilhem Belocian peut se consoler en s’étant qualifié pour sa première finale mondiale. Une bonne performance, pour celui qui a battu son record personnel cet été grâce à un chrono réalisé au meeting de la Chaux-de-Fonds, en 13 s 07.
A 28 ans, l’ancien champion du monde junior 2014 confirme enfin les attentes placées en lui après avoir connu de nombreuses déconvenues durant sa carrière. Malgré quelques coups d’éclat – médaillé de bronze aux championnats d’Europe sur 110 m haies en 2016, un titre européen sur 60 m haies –, ce talent précoce a, notamment, manqué ses deux premiers rendez-vous olympiques : disqualifié en séries lors des Jeux 2016 à Rio à cause d’un faux départ, il a été incapable de défendre ses chances en 2020 à Tokyo à cause d’une blessure, éliminé dès la série.
A Rio, son échec olympique l’avait fortement marqué. « L’échec aux Jeux, à 21 ans, a été un gros coup, témoigne son ex-entraîneuse, Ketty Cham. Il a fallu s’en relever et ça a pris presque deux ans. »
Prometteur pour les JO 2024
En 2022, alors qu’il avait amorcé son retour au plus haut niveau, il avait subi de nouvelles désillusions malgré une saison hivernale prometteuse. Il terminait 8e de la finale du 60 m haies des championnats du monde en salle d’Istanbul. Puis, blessé, il manquait les Mondiaux en plein air avant de ne pas être sélectionné par la Fédération française d’athlétisme pour les championnats d’Europe de Munich.
En 2023, la confirmation de son potentiel correspond à un changement de vie puisqu’il a rejoint le groupe d’entraînement de Teddy Tamgho à Lille. En septembre 2022, il annonçait son départ pour la métropole, lui qui n’avait jamais quitté son île. « J’étais vraiment ancré en Guadeloupe, dans une zone de confort. Si je voulais passer des caps, il me fallait casser cette zone de confort et partir en métropole où je refusais d’aller depuis quelque temps », analyse-t-il.
Dans un an, lors des Jeux olympiques de Paris, les deux athlètes devront poursuivre leur progression et être capables de courir à leur meilleur niveau en finale. Dans une discipline très dense, une médaille olympique est à ce prix.