La situation est inédite au Mexique : les favoris des primaires qui, début septembre, doivent déterminer les candidats à l’élection présidentielle de juin 2024 sont, cette année, tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique, des favorites. Dans un pays où le machisme demeure prégnant et où plus de dix féminicides ont lieu chaque jour, l’éventualité qu’une femme accède au pouvoir donne déjà un caractère exceptionnel à cette élection. D’autant que les deux responsables politiques présentent des CV fournis et peu communs.
A gauche, Claudia Sheinbaum, 61 ans, domine les sondages de la primaire pour le parti Morena (Mouvement Régénération nationale, centre gauche), au pouvoir depuis 2018 sous le mandat d’Andres Manuel Lopez Obrador (dit « AMLO ») ; ce dernier ne peut se représenter. Cette fidèle du président était la maire de Mexico jusqu’en juin, faisant de la capitale la vitrine de son projet présidentiel. Docteure en sciences de l’environnement et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) jusqu’en 2013, elle a logiquement imprimé sa marque sur les questions écologiques. Mais elle a aussi reproduit, à l’échelle de la capitale, la politique sociale impulsée par le président, créant des infrastructures (transports, universités, etc.) et distribuant des aides sociales dans les quartiers les plus démunis.
Ses adversaires la présentent comme une « marionnette d’“AMLO” ». Elle proclame sans réserve qu’elle va continuer « la politique de notre mouvement » et répète dans ses meetings la devise du chef de l’Etat : « Pour le bien de tous, les pauvres d’abord ». Les règles de la primaire de la gauche l’empêchent pour l’instant de mettre en avant ses propres idées. Dans un entretien au Monde, elle promet cependant de mener une politique « sur les énergies renouvelables, l’eau qui va manquer au Mexique et la question de la violence, en particulier celle contre les femmes ».
Un style bien distinct
A droite, Xochitl Galvez, 60 ans, a devancé, en quelques semaines de campagne, les caciques de son mouvement, le Parti Action nationale (PAN, droite), comme ceux du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre droit) et du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche), réunis dans un front d’opposition à Morena. Avec son parcours professionnel impressionnant, cette femme, issue d’un milieu rural, a redonné espoir aux opposants d’« AMLO », en quête d’une candidature capable de faire face au raz-de-marée obradiste.
Cette cheffe d’entreprise, ingénieure en robotique, à la tête de la Commission des peuples indigènes sous le gouvernement de Vicente Fox (2000-2006), met en avant ses origines otomis et ne porte que de larges huipils, le vêtement mexicain brodé. En reprenant des thématiques traditionnelles de la gauche (droit à l’avortement, défense des personnes LGBT, aides sociales), elle mène une candidature disruptive dans les rangs conservateurs et élitistes de son parti. Depuis le lancement de sa candidature, elle a d’ailleurs été régulièrement attaquée par le président lors de ses conférences de presse quotidiennes, signe d’une certaine anxiété devant une candidate qui ne correspond pas à l’étiquette « conservateur » qu’il entend coller à ses adversaires.
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