
Le populiste Javier Milei, 52 ans, qui se présente en antisystème, a créé la sensation en Argentine, dimanche 13 août, en devenant le candidat recueillant le plus de votes individuels au niveau national de la primaire pour la présidentielle, selon les résultats provisoires portant sur plus de 85 % des bulletins comptés.
Avec 31 % des voix, il devance Patricia Bullrich, 67 ans, qui dans une primaire indécise à droite a pris l’avantage sur le maire (centre droit) de Buenos Aires Horacio Larreta avec plus de 28 % des voix ; et Sergio Massa, 51 ans, ministre de l’économie, qui sans surprise a remporté le vote dans le camp gouvernemental, mais arrive en troisième position d’ensemble avec 27 % des voix sur son nom.
Lors de ces « PASO » (Primaires ouvertes, simultanées et obligatoires), plus de 35 millions d’électeurs argentins étaient appelés à présélectionner à la fois les partis qui seront en lice le 22 octobre, − il leur fallait pour cela obtenir 1,5 % des votes nationalement − et leurs candidats. Vingt-deux tickets « président + vice-président » étaient en lice, dont il ne devrait rester qu’une demi-douzaine après le décompte définitif des voix.
Une économie à redresser
Le président péroniste sortant Alberto Fernandez, impopulaire, ne se représente pas, et sa succession s’annonce incertaine, après les échecs successifs de son administration, avant lui celle du libéral Mauricio Macri (2015-2019), à redresser la troisième économie d’Amérique latine. Celle-ci est enferrée entre une inflation à deux chiffres depuis douze ans (passé dernièrement à 115 % sur an), une dette colossale auprès du FMI, une pauvreté à 40 %, et une monnaie, le peso, qui dévisse.
Aussi les PASO 2023, qui servent parfois de sondage grandeur nature préfigurant de la présidentielle, étaient-elles scrutées avec attention. La mobilisation, à 69 % − et malgré le vote obligatoire − est très en deçà des primaires d’il y a quatre ans (76,4 %), reflétant un désenchantement de l’électorat.
« Il y a une désaffection croissante de l’électorat, dans un pays qui avait des identités politiques marquées, diagnostique Juan Negri, politologue de l’université Torcuato di Tella. Milei est le reflet de ce désenchantement, chez beaucoup d’électeurs qui ne croient plus dans les partis. »
Facundo Cardozo, commercial de 27 ans près d’un bureau de vote porteno de Barrio Norte, illustrait dimanche l’attrait d’une solution radicale type Milei, « au point où en sont les choses ». « Il faut casser ce qui a été fait, puis recoller les morceaux et tout recommencer », lançait-il à l’Agence France-Presse (AFP).
Un langage incendiaire et des affinités avec Trump
M. Milei, un économiste médiatique depuis quelques années, avait déboulé sur la scène politique aux législatives partielles de 2021, son parti Libertad Avanza (La liberté avance) devenant la troisième force à Buenos Aires (17,3 %). Mais un fort doute subsistait sur sa pénétration à l’échelle du pays. Son score, qui dépasse les prévisions des sondages, le place de facto en postulant sérieux à la présidence, ou tout du moins à un deuxième tour éventuel le 19 novembre.
Entre autres, il veut supprimer à terme la Banque centrale, interdire l’avortement (légalisé en 2020), libéraliser la vente d’armes, et envisage d’ouvrir un marché de la vente d’organes. Mais par-dessus tout, en un langage incendiaire et parfois insultant, il veut dégager « à coups de pied au cul » la « caste politique » qui selon lui « parasite » l’Argentine depuis trente ans.
Entre privatisations et dérégulation, ses propositions radicales, tel un « plan tronçonneuse » dans les services publics, ont souvent choqué. Mais elles ont aussi secoué le débat politique, soulevant des thèmes quasi-tabous, comme une dollarisation assumée de l’économie argentine.
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Il a promis de refaire de l’Argentine une « puissance », comme lorsqu’elle était « terre promise » de l’émigration européenne, au début du XXe siècle. Un thème de « grandeur retrouvée » qui n’est pas sans rappeler Donald Trump, avec lequel il a revendiqué une affinité.